Les courageux se sont levés tôt
On dit les dimanche tranquilles à Amiens, mais celui du 17 octobre 2010 fut une exception. Contrairement à ses habitudes, la zone industrielle d'Amiens Nord était animée en cette fraiche matinée, puisqu'elle était le point de rendez vous des amoureux du vélo. Venus des départements – voir des pays – voisins, environ trois cent personnes se sont réunis sur le parcours habituel de la gentleman organisée par l'Association Cycliste Amiénoise. Menée par son président Jean Louis Duquesnoy, cette course doit - depuis une décennie maintenant - sa longévité et sa réussite aux partenaires et bénévoles du club qu'il convient de saluer une fois encore. Plus qu'un rendez vous sportif clôturant la fin de saison sur route, les 11 kilomètres (ou 33 pour les plus téméraires) de bitume à parcourir en binôme étaient l'occasion de se retrouver et de partager sa passion dans une ambiance conviviale.
Des sourires sur les visages, des bilans de saison et des commentaires sur les performances du jour se sont échangés jusque 14h devant le restaurant l'Oncle Sam. Le soleil apparaissait timidement en fin de matinée pour la remise des trophées à laquelle Monsieur le Maire Gilles Demailly et le Vice-Président d'Amiens Métropole chargé des sports Alain Jauny prenaient part.
Les coureurs affluent des quatre coins et les parkings alentours de l'Oncle Sam se remplissent. A 8h, chacun va à l'intérieur du restaurant chercher son dossard. Pendant l'échauffement, avant que les 29 binômes du 11km ne s'élancent, les quelques spectateurs vont à l'intérieur prendre une boisson chaude. Chacun attend le coup de feu au départ de la course et au bar. L'occasion de poser quelques questions à Élisabeth, présente ce matin de l'autre côté du comptoir : « Ma journée a commencé à 5h30, alors qu'on est normalement fermé le dimanche. Bonne journée, et je suis contente de travailler car il y a une bonne ambiance lors de ces courses. Ça se passe bien. J'étais déjà serveuse lors de la gentleman il y a deux ans, et j'en garde un bon souvenir malgré que je ne m'intéresse pas du tout au cyclisme mis à part quelques noms. Aujourd'hui on va servir 148 à 149 couverts et 8 pour les enfants. Tous les ans ça augmente.
Les cyclistes sont sympathiques et courageux, il fait froid ! »
Le premier binôme du 11km, composé de Gérard Mercher et du coureur AC Amiénois Arnaud Thuillier (revenu au club cet été, ndlr), part à 9h10. Ils seront doublés pendant ce tour par le duo Didier et Romain Borgoo, père et fils. Dans la dernière ligne droite, Romain se retourne d'ailleurs sur le vélo vers son père : « Allez papa ! ».
Et puis dans un classement, il faut des premiers et des derniers. Sur le 11km, l'essentiel est de participer. Et cette année le dernier binôme se nomme Louis Sannier et Gaetan Calas. Gaetan, que l'on croise tout sourire entre les deux courses et qui nous avoue miser davantage sur l'épreuve du 33km : « Cette saison, je courais en 2ème catégorie Ufolep, et en D3-D4 FFC.
L'idée, c'est de clôturer la saison sur la gentleman. J'ai arrêté les courses il y a quinze jours, et les gros entraînements il y a un mois. Je viens ici pour faire partager ma passion, passer du temps avec les copains.
C'est ma deuxième participation à cette épreuve, j'ai fait l'an dernier 11 km et j'ai fini deuxième à une seconde. Dans le 33 j'avais fait un top 10.
Pour cette édition, on vise encore le top 10 avec Morgan (Lebon). Mais le résultat n'est pas le plus important. Ici on vient pour s'amuser, gagner c'est du bonus.
Ceux dont il faut se méfier, c'est l'équipe Maxime Butez (Champion de France Ufolep du Contre La Montre), et le grand champion Philippe Ermenault. C'est l'équipe à battre sur le 33. Il y aura une belle photo où Maxime aura son maillot de Champion de France UFOLEP et Philippe son maillot de champion du monde.
Je reste ici le midi pour manger, je suis là aussi pour ça (sic). Je compte en profiter avec toute l'équipe pour se rappeler les souvenirs. On est avant tout une bande de copains. »
Cinq minutes à se dire tout cela, puis le coureur de Jean-Louis Duquesnoy repart au pas de course vers le départ du 33km. Le coup de feu sportif part avec le début du 33. Beaucoup d'équipes engagées, bien plus que l'an dernier sur la même épreuve qui prend une certaine notoriété. Les minutes passent, les « top ! » ne cessent de retentir sur la plateforme de départ, et l'on retrouve deux spectateurs avec le sourire jusqu'au lèvre : Père et fils, Olivier et Quentin Dupont préparaient le 11km depuis quelques semaines. Si le fils, prometteur minime qui a découvert le vélo de compétition avec le club amiénois avait déjà un bon rythme, ce fut plus dur pour le père qui court en 4ème catégorie UFOLEP. Au bout de la transpiration, des efforts aux entrainements et des 11kms, la première place de l'épreuve avec 39 de moyenne au compteur ! «On avait convenu que je faisais le départ, affirme Olivier, et que Quentin me tirait le reste du temps. J'ai repris un relais dans la descente ou j'ai pu tirer un peu. On avait fait des plusieurs fois des repérages cette année. »
« Moi ça allait, il n'y avait pas de vent mais il faisait froid, reprend Quentin. Oui, rétorque Olivier, je préfère le froid au vent ! »
Quand aux bilans, le père s'occupe de les faire : « C'est prometteur pour Quentin. Il s'agit de sa deuxième saison, et il grandit avec le vélo. Moi, j'essaie de me maintenir à niveau avec une saison correcte. C'est le problème de l'âge, on cherche à ralentir la pente de progression. On sait que l'occasion de faire équipe père et fils est rare. C'est dur, ça fait deux semaines qu'on s'entraine ensemble. J'ai souffert, je rentrais complètement dépouillé...
La conclusion revient à Quentin : « C'était ma dernière course avec l'ACA (nous reparlerons du départ de Quentin avec lui dans quelques jours, ndlr) . Il fallait sortir par la grande porte. Je n'ai pas gagné cette saison, il fallait que je montre que j'avais progressé, c'est chose faite avec cette victoire en Gentleman. »
Les Dupont prennent la pose devant l'appareil photo de Déborah puis repartent de leur côté. Pendant ce temps, on avait remarqué l'arrivée d'Alain Jauny dans le restaurant. Le Vice-Président d'Amiens Métropole chargé des sports nous accordait quelques minutes avec son plus beau sourire pour nous livrer ses impression sur sa neuvième place décrochée au 11km en compagnie de Romain Borgoo : « Cela fait 9 fois que je la fais. J'ai fait mieux que l'an dernier. Tous les ans je prend une seconde de plus (sic). On vient toujours pour le plaisir, pour Jean-Louis, pour le sport. J'ai pas pu faire du vélo étant gamin parce que mon père, étant un ancien footballeur, privilégiait cette discipline sportive. Mais j'ai toujours voulu faire du cyclisme, maintenant je me fais plaisir. J'ai rencontré des anciens de l'ACA, on s'est mis à rouler ensemble.
Ça fait du bien en tant qu'Élu sous pression toute la semaine, en plus de ma vie professionnelle, d'évacuer, de « faire rentrer un peu d'air dans la tête. »
Tous les ans il y a une course avec les adjoints : On se met la pression, on fait la gentleman et le prix Jean Renaux. C'est une « compétition » pour le fun, on se chambre un petit peu. Cette année je finis premier des adjoints.
J'ai toujours eu la niak, mais sur un vélo, je suis plutôt courageux. C'est un sport très dur, on a beau faire partie d'une équipe, avoir le plus beau vélo du monde, faut pédaler quand même. Le moteur, il est dans les jambes et dans la tête. Quand on a mal aux jambes, c'est la tête qui doit fonctionner pour continuer. Si on travaille déjà psychologiquement, si on a du sérieux, ça va. J'ai un garçon qui ne fait pas de vélo, mais s'il en avait fait, je l'aurai poussé à avoir une certaine rigueur, le vélo c'est aussi avoir une discipline. »
On laissait Monsieur Jauny sur ces mots, et on sortait dehors. Le soleil apparaissait et le vent se levait. Changement majeur pour les coureurs sur le circuit. On voit alors Gérard Tribou, un des vétéran du club, terminer son deuxième tour et entamer le troisième, le tout en tirant la langue.
Les premiers coureurs sont arrivés et, parmi eux, Antoine Couillet. Le webmaster du club n'avait pas le temps de flâner et partait sur l'estrade d'arrivée pour prendre les premiers résultats. Encore en tenue de club, ayant juste pris le temps d'enfiler une veste, le coureur saluait la trésorière du club Jocelyne Duquesnoy (l'œil de l'organisation, veillant aux coureurs qui passaient la ligne et annonçant les dossards de chacun) et nous donnait quelques minutes pour faire le point, entre deux classements à faire : « J'ai fait le 11km avec Didier Boinet, un des partenaire du club. Cela s'est bien passé, on a pas été trop mauvais avec une huitième place. Il y a un défi entre les sponsors, et chaque coureur cherche à aider son binôme (Une autre sponsor, Sylvain Lanseman, courait par exemple avec Thibault Cheytion).
Sur le 33, j'étais avec Alexandre Petit dont le contre la montre est la spécialité. On a démarré fort et au troisième tour, avec le vent qui se lève, on a commencé à craquer.
Cela reste sympa de faire cela chaque année, d'autant que ça conclut une bonne saison avec des grosses courses par étape (Les Routes de l'Oise avec une 4ème place au classement par équipe), et tout même 23 victoires. Ce sera dur de faire mieux l'an prochain.
Personnellement, je viens de rentrer dans la vie active, j'en ai fini avec le statut étudiant (rire). J'essai d'allier le sport et mon boulot à la banque de Soissons, mais il est difficile de s'investir dans le club comme je le faisais avant en étant loin d'Amiens. Même si je déménage encore, tant que je le pourrai je resterai à fond dans ce club. Je ne me vois pas ailleurs tant qu'il ne m'est pas impossible de lier vie professionnelle et sportive. »
Les minutes défilent, les coureurs avec, et Gérard Tribou vient de finir son 33 km. Tout juste changé, il nous salue avec Claudine Tribou et les deux nous livrent leurs impressions entre le coureur et sa première supportrice depuis maintenant longtemps : « Je ne participe plus à la gentleman mais je roule encore avec Gérard à côté, nous avoue Claudine. » « J'ai fait le 33km en une heure avec mon équipier, constate Gérard. J'aurai pu mieux faire, mais quand il embraille, j'ai du mal à tenir la roue (sic). On a 30 ans d'écart quand même. Heureusement, il a levé le pied. Ça fait 10 ans que Claudine et moi sommes à l'ACA. Faisant partie du club, c'est normal de participer à la gentleman. De la première à la dixième gentleman, c'est toujours le même esprit de plaisir et d'amitié. » « C'est la fin de l'année et ça clôture la saison, ajoute Claudine. On est toujours là, on espère pendant longtemps encore. L'objectif c'est de durer le plus longtemps possible, entourés de jeunes. »
Et cette année, les Tribou on participé aux 24h du mans vélo avec d'autres coureurs (Jean-Français Caux, Antoine Couillet et Gaetan Calas, ndlr).Claudine dans les stands, Gérard sur la piste avec les trois autres, de quoi laisser des bons souvenirs : «Sur les 24h, on finit 169ème équipe. Sur le plan de l'expérience, c'est à refaire, c'était génial ! Il faudrait être une équipe de 6, parce qu'à 4 c'est un peu dur. Il y avait une bosse à 3.5% longue de 600 mètres. C'est dur car cela revient toute les 7 minutes. »
Avis aux amateurs pour compléter l'équipe l'an prochain !
La course prend fin, la route est libérée et le podium se dresse devant le restaurant à l'intérieur duquel les coureurs se suivent à notre table pour nous donner leurs impressions. C'est alors Gaylord (nouveau coureur de 3ème catégorie UFOLEP arrivé cette année) qui prend place en face de nous avec son ami Willy. Cette année, l'un a contaminé l'autre du virus vélo et, aujourd'hui, Willy était au chrono : « Gaylord a su être une fois de plus dans les temps. J'ai vu son évolution au fil de la saison, et il m'a donné la passion du vélo. Je pense intégrer l'équipe de Duquesnoy. »
« Sur le 11km, poursuit Gaylord, je me place 5ème avec Mickael Houpin (coureur de 2ème catégorie UFOLEP au club) et j'ai commencé à avoir mal aux cuisses avec Mathieu Jeanne (autre coureur de 2me catégorie UFOLEP) sur le 33km.
Willy a toujours été derrière moi et il s'entraine parfois avec moi. Lors de mes premières courses, je galérais et ma famille sur le bord de la route me motivait. Ça m'a aidé aussi à avoir la mentalité de s'accrocher dans le vélo. Il ne faut rien lâcher, même si on est dernier, il faut faire sa course jusqu'au bout. »
Pendant que le président du club remerciait les partenaires et bénévoles pour l'organisation de cette dixième édition, les Ermenault père et fils venaient à leur tour à notre table. Si le père Philippe est bien connue du milieu cycliste, son fils Corentin a montré de belles choses pour une première année en cyclisme : « Je n'ai fait que le 33 avec Maxime Butez dixit Philippe Ermenault. A la base, je devais le faire avec Corentin, mais il a subi une opération du nez et Jean-Louis a du revoir les couples. Du coup, j'ai couru avec Maxime, lui champion de France Ufolep du Contre la Montre et moi du monde, ça a fait une bonne équipe. »
« Cela reste une bonne saison, affirme Corentin, je me suis bien amusé. J'ai fini avec une victoire sur la dernière course de la saison alors que tout le monde commençait à douter. Le vélo, c'était une découverte pour moi, et ça me plait. »
« Oui, le bilan est bon, reprend Philippe, parce que je suis revenu dans le milieu du cyclisme de compétition dans le club de Jean-Louis Duquesnoy. Je lui ai demandé s'il pouvait coacher Corentin. Étant aussi un cycliste, c'est plus difficile de coacher son propre fils. Avant tout, je voulais le confier à une formation sérieuse, et je fais confiance à Jean-Louis là-dessus. Il a découvert ce qu'était le cyclisme de compétition et il a terminé par une victoire. Je suis content pour lui, c'est qu'il a su mettre à profit tout ce qu'il a perdu.
Pour le côté symbolique, j'ai mis mon ancien maillot, ça m'a rappelé des souvenirs avec le compte à rebours avant le départ. C'était sympa, le tout dans une bonne ambiance d'un froid dimanche matin. »
Enfin, Monsieur le Maire Gilles Demailly nous faisait l'honneur d'être, cette année encore, aux côtés du club pour suivre cette épreuve et remettre les trophées. Nous lui avons laissés le soin de faire une conclusion sur cette dixième édition : « On me reverra surement l'an prochain. La gentleman est un moment sympathique, très convivial. On y rencontre des passionnés et des membres de mon équipe qui y participent. Cette année il ont terminé à 19 centièmes de secondes l'un de l'autre. Des semaines avant et après ils en parlent. L'an dernier, l'un d'eux avait crevé, mais cette année ils ont pu disputer la compétition « à la loyale » et ils en parleront d'autant plus de fait.
Sur Amiens, le vélo se développe beaucoup, avec une multiplication des pistes cyclables. Il y avait pas mal de tronçons déjà, mais on essaye de faire des continuités de pistes cyclables, de régler la sécurité. Pour le vélo de ville, sur la métropole, on est passé de 1000 à 1800 bycliclettes et on en a recommandé 800. La pratique du vélo sur Amiens est en progression. C'est bien, même si c'est du loisir.
Le vélo c'est toute mon enfance. Entre Doullens et Arras, on allait voir passer le paris-roubaix avec mon père. Je faisais du foot et du vélo comme tous les gamins. J'avais eu un vélo « demi-course » comme premier vélo. même si j'en fais moins maintenant. »
14h, et la troupe se dispersait. Des lots pour chaque participants, des sourires sur chaque visage, et l'assurance d'un bon moment passé, d'une réussite une fois encore. Rendez vous plus nombreux l'an prochain.
Adrien Lhermitte / Photos et propos recueillis par Déborah Lüder